Adolphe D'ESPIE ou la carrière politique d'une étoile filante, 1907-1919

10 octobre 2022

Introduction : Un jeune inconnu en politique qui oeuvre pour se faire un nom au sein du parti radical de 1907 à 1909

En 1907, alors qu'il est âgé de 29 ans, Adolphe installé à Paris avec sa femme depuis quelques années, décide de se lancer en politique. Mais, ce provincial, arrière-petit-fils d'un négociant de petit cabotage sétois installé à Banyuls-sur-Mer, petit-fils d'un épicier banyulenc et fils d'un toulousian employé des chemins de fer du Midi, n'a aucune connaissance dans le milieu politique parisien. Pour y remédier, il devient membre actif de l'Association toulousaine de Paris. Au sein de ce cercle d'hommes influents nés dans le Midi, il fréquente lors des diners mensuels, de nombreux hommes politiques dont le Perpignanais PAMS Jules, sénateur du département des Pyrénées Orientales sous l'étiquette radicale et qui possède plusieurs propriétés dans son département d'origine dont un hôtel particulier qui porte son nom à Perpignan, une première villa en bord de mer devenue l'actuelle mairie de Port-Vendres, le mas qui porte son nom bâti non loin de la plage Bernady dans la vallée de Paulilles et une seconde villa en bord de mer dite maison "JoB" à Banyuls-sur-Mer.

La maison PAMS à Banyuls-sur-Mer, Photographie, 2019

Grâce à son érudition, son éloquence et sa facilité à parler devant une foule, Adolphe est remarqué par les hommes influents qu'il fréquente, et qui l'encouragent à poursuivre son ascension dans le monde politique. Afin d'étoffer son carnet mondain, il cofonde une revue mensuelle : "La revue républicaine des idées, des hommes et des faits", proche de la gauche radicale. Le jeune parti radical (parti bourgeois réformateur de centre gauche profondément anti-clérical) et fondé en 1901, devient le pivot de la politique française en obtenant un grand nombre de députés lors des élections législatives de 1902. Pendant que sa femme Marie rédige des articles féministes, Adolphe se spécialise dans la rédaction de portraits flatteurs d'hommes politiques radicaux, activité qui lui permet de rencontrer les hommes importants du parti, dont BOURGEOIS Léon et BUISSON Ferdinand.

Pro-dreyfusard convaincu, Adolphe se situe plutôt à l'aile droite du parti radical, puisqu'il adhère à l'Alliance républicaine démocratique fondée en 1901, c'est-à-dire la scission de l'aile droite du parti radical qui refuse l'association avec le parti socialiste. Ainsi sous l'égide de BOURGEOIS Léon qu'il admire et de BUISSON Ferdinand, il cofonde en 1908 "L'Office républicain. Société d'information, de propagande et d'action politique", un espace de réflexion sur les problèmes sociaux qui agitent alors la société française, tout en s'éloignant des doctrines libérales, socialistes et marxistes. Mais, son attachement à un mouvement dissident au sein du parti radical, auquel s'ajoutent sa personnalité trublionne et certaines de ses publications populaires à l'érotisme sulfureux et aux titres évocateurs voire provocateurs (Le Tombeau des vierges, Incestueuse, Rivales d'amour, Régiment d'Irma...) le place à la marge du parti.

Le Tombeau des Vierges. par HIRE, de la, Jean (Comte Adolphe Ferdinand Célestin d'ESPIE). | Libreria Oreste Gozzini snc

En 1909, sous son patronyme (et non sous un de ses nombreux noms de plume), Adolphe publie un essai politique intititulé La Politique française. Esquisse d’une Politique française. Figures politiques et parlementaires. Très inspiré par BOURGEOIS Léon, pour résoudre les problèmes sociaux il présente la doctrine solidariste ainsi résumée : "Plutôt la main tendue que le poing fermé. Plutôt la mutualité que la charité.". Suivant l'antimilitarisme de BUISSON Ferdinand, il prône une France forte garante de la paix en Europe et dans le monde. Influencé par sa femme Marie, il dénonce l'inégalité des droits entre les sexes et demande le droit de vote pour les femmes. Il refuse l’action directe et violente, motivée par les thèses révolutionnaires ou anarchosyndicalistes, et plaide pour une intégration des syndicats dans le régime parlementaire. Dans cet essai, Adolphe se présente comme un homme de gauche, républicain et réformateur, mais absolument pas révolutionnaire. Il tente de se trouver un équilibre précaire, en piochant par petites touches dans des doctrines irréconciliables allant de l'extrême-gauche violente jusqu'au centre droit modéré.

Les échecs successifs du candidat socialiste aux élections législatives et cantonnales en 1910

En 1910, Adolphe se présente aux élections législatives dans l'arrondissement de Céret. Mais, il se trouve devant un problème de taille : il doit y affronter 3 candidats eux aussi issus du parti radical, dont le médecin PUJADE Paul directeur de l'établissement thermal d'Amélie-les-Bains, commune dont il est maire depuis 25 ans, le député sortant, un radical ayant adhéré à l'union avec les socalistes. Revenant sur ses engagement exprimés quelques mois plus tôt dans son essai politique et probablement influencé par le climat dans le département des Pyrénées Orientales qui subit encore les contre-coups de la crise viticole de 1907, Adolphe se présente sous l'étiquette socialiste indépendant, avec un programme très axé à gauche.

Le 06 novembre 1909, Adolphe lance sa campagne, en prononçant à Banyuls-sur-Mer son 1er discours enflammé. Il est l'homme du progrés qui s'adresse à la nouvelle classe moyenne (artisans, fonctionnaires, comerçants ...) qui commence à se constituer et dont il est issu, à laquelle il promet une plus grande justice sociale. Devant un public essentiellement composé d'ouvriers agricoles et de marins, il défend avec ferveur le syndicalisme porteur des futures transformations de la société. Face aux petits propriétaires viticulteurs, il se déclare favorable l'associatisme qui prône la mutualisation des outils de production et des échanges économiques. Dans l'auditoire, se trouve un auditeur attentif, le jeune AZEMA Vincent de 1 an son cadet, qui travaille dans la corderie paternelle.

Pour soutenir sa campagne et diffuser ses idées dans une circonscription dont il est natif mais qu'il connaît peu car l'ayant quittée jeune, Adolphe fait paraître sur ses fonds propres le journal bi-mensuel intitulé Le Catalan Républicain. Du 06 novembre 1909 au 23 avril 1910, il se dépense et dépense sans compter, sillonnant la circonscription avec sa voiture personnelle, louant des salles pour ses réunions électorales, tenant quelquefois 3 réunions le même jour et organisant de nombreux banquets. L'estimation de ses dépenses pour cette campagne est évaluée à 10 000 francs-or (60 000 euros). Le soir du 24 avril, les résultats tombent : il obtient 4 534 voix, dont 561 à Banyuls-sur-Mer (73% des électeurs de la commune), alors que PUJADE Paul le candidat sortant le précède de 297 voix en en récoltant 4 823.

Le jour de la parution des résultats du 1er tour, le 25 avril 1910, Adolphe doit remonter à Paris pour honorer ses engagements professionnels. De retour 2 jours plus tard il est accueilli à la gare de Banyuls. Porté en triomphe par les Banyulencs chantant La Marseillaise, il improvise un discours sur la plage. Les esprits s'échauffant, certains Banyulencs se rendent devant le domicile du maire PAGES Joseph en criant : "Démission ! A la mer !". Alerté par des télégrammes envoyés par le maire, le Préfet des Pyrénées Orientales réquisitionne des troupes pour ramener l'ordre. Mais aussi soudainement qu'elle était montée, cette émotion populaire se calme et chacun rentre calmement dans son foyer.

Vivifié par la ferveur populaire banyulencque, Adolphe reprend sa campagne. Mais, tous les habitants de l'arrondissement de Céret n'ont pas la même vision du candidat. Certains remettent en cause sa catalanité en le surnommant "le Parisien". De plus, il traîne comme un boulet ses livres intitulés La chair et l'esprit paru en 1898, La Ville ardente publié en 1900 et Le vice provincial sorti en 1902, dans lequel il traîte les Banyulencques et les Banyulencs de "sauvages", "d'imbéciles" et "d'indigènes de ce sale pays". Dans Le vice provincial, les Banyulencs sont décrits comme des benêts n'ayant pas suffisamment d'intelligence et de force morale pour s'opposer à leurs femmes présentées comme des sorcières, de vraies harpies aussi malfaisantes que tentatrices. Adolphe a beau se défendre en expliquant que ces romans de jeunesse sont des oeuvres radicales de fiction qui ne retranscrivent pas ses opinions personnelles, le mal est fait. Lorsqu'il arrive à Collioure pour tenir sa réunion électorale le 12 avril 1910, il est accueilli sous les huées, aux cris de "Parisien bluffeur !", "Insulteur de femmes !", "Catalan de circonstance !".

Le vice provincial - Jean De La Hire - FeniXX réédition numérique (Offenstadt frères) - ebook (pdf) - Dalloz Librairie PARIS

Le second tour se tient le 08 mai 1910. Malgré qu'il ait fait le plein des voix dans les cantons d'Argelès-sur-Mer et de Céret, il est battu par PUJADE Paul avec seulement 192 voix d'écart. La défaite a un goût amer pour le jeune Adolphe à qui jusque là tout réussissait. Il va même jusqu'à accuser le sénateur PAMS Jules d'avoir ruiné ses chances d'élection en exprimant publiquement son soutien à son rival PUJADE Paul. Seulement 4 jours après l'élection, le 12 mai 1910, Adolphe et le député nouvellement élu se croisent dans une des rues de Perpignan. La discussion tourne rapidement court. Les 2 hommes et leurs entourages s'empoignent avec rudesse, créant une violente mélée qui amuse la masse de spectateurs qui se forme rapidement avant que les agents de police n'interviennent pour séparer les 2 groupes et disperser la foule. Selon Adolphe, il serait resté de marbre face aux quolibets lancés par l'entourage de son rival. Selon PUJADE Paul, Adolphe aurait hurlé aux amis qui l'entouraient en désignant le gendre du député nouvellement élu : "Assommez-le ! Assommez-le !". Suite à cette algarade, Adolphe est appelé à comparaître le 06 octobre 1910 devant le Tribunal correctionnel de Céret pour "outrages à un magistrat de l’ordre administratif dans l’ordre de ses fonctions". Reconnu coupable, il est condamné à payer cent francs d’amende.

Le 28 mai 1910, dans une lettre ouverte qu'il adresse à PAMS Jules, sénateur mais aussi président du Conseil Général, Adolphe annoncé sa candidature au Conseil Général dans le canton d’Argelès, le canton même du sénateur. Cette fois ci, il se déclare sous l'étiquette de républicain-socialiste, s'associant ainsi au groupe parlementaire que les députés socialistes indépendants viennent de former. Dans son organe de presse Le Catalan Républicain, Adolphe affirme le 19 juin 1910 : "Les Républicains socialistes ne sont ni des utopistes, ni des conservateurs ; ils veulent avancer et réaliser l’idéal républicain, mais seulement dans la mesure du possible et progressivement.". Bien que la campagne soit courte et il ne ménage ni ses efforts ni son argent. Mais, le 24 juillet 1910, Adolphe n'obtient que 2 210 voix (dont 577 sur 789 votants à Banyuls-sur-Mer) alors que son opposant PAMS Jules en récolte 2 604. Furieux, Adolphe est persuadé que PAMS Jules a fraudé en achetant les représentants de l'Etat. Et selon un rapport écrit par le commissaire spécial de Cerbère et transmis au Sous-Préfet de Céret, lors d'une réunion qu'il tient à Banyuls-sur-Mer, Adolphe menace même de sortir de la légalité pour mettre en oeuvre des représailles.

Le maire épistolaire et épisodique de Banyuls-sur-Mer de 1910 à 1912

Chauffée à blanc par la défaite aux élections législatives, une majorité d'électeur Banyulencs prend fait et cause pour Adolphe le fils de Banyuls. La communauté villageoise se scinde alors en 2 camps, les pro et les anti D'ESPIE qui s'opposent farouchement, comme en témoigne une annotation marginale dans l'un des registres de la prud'homie de mer de Banyuls-sur-Mer : " En 1910, n'étant pas du parti d'ESPIE le nouveau maire élu, le père GELIS ne put constituer un équipage. Donc il vendit son navire [CITOYEN] à BONABOSCH dit "Bogue"."

Le lendemain de la défaite d'Adolphe aux élections législatives, le 09 mai 1910, les pro D'ESPIE organisent une manifestation dans le village qui va jusque sous les fenêtres du maire PAGES Joseph pour exiger sa démission. Dans la foulée, 12 des 20 Conseillers municipaux démissionnent et envoient au Préfet des Pyrénées-Orientales une lettre pour expliquer leur geste : "Par la campagne menée contre le candidat du pays, Adolphe d’Espie, M. Pagès maire a rendu l’oeuvre d’intérêt communal, que nous ont confiée les électeurs, totalement impossible". Les esprits continuent à s'échauffer et le 14 mai, une nouvelle manifestation est organisée ; elle tourne rapidement à l'émeute. Alerté, le Préfet des Pyrénées-Orientales fait rapidement envoyer un détachement de 80 gendarmes à cheval et à pied, qui ramènent le calme dans les rues du village. Constatant son impossibilité à gérer la commune PAGES Joseph et ses 8 conseillers municipaux restants démissionnent le jour même. Quatre jours plus tard, le détachement de gendarmes quitte le village de Banyuls-sur-Mer. Le 07 juin une Commission spéciale présidée par PY Jean est nommée par le Préfet. Elle est chargée de gérer les affaires courantes de la commune jusqu'à l'élection du nouveau maire.

Le 07 août de nouvelles élections municipales se tiennent. Sans surprise Adolphe présente une liste sous l'étiquette républicain-socialiste, dans laquelle se trouve AZEMA Vincent. La liste est élue et le 13 août Adolphe est élu maire avec 20 voix sur 20. Il est secondé dans sa tâche par REIG Pierre élu 1er adjoint et QUINTA Joseph élu 2nd adjoint. Si une majorité de Banyulencs est heureuse de sa victoire, en revanche Adolphe dédaigne son poste. En effet, le fauteuil de maire de la commune de Banyuls-sur-Mer est bien loin de suffire à ses exigences personnelles. L'écrivain parisien qui se voyait sieger au palais Bourbon en qualité de député du département, ne retire ni satisfaction ni bénéfice personnels à présider à la destinée d'un village rural excentré situé à 1 000 kilomètres de la capitale, majoritairement peuplé de pécheurs et de viticulteurs peu aisés.

Moins de 3 semaines après son élection, sans prévenir aucun de ses co-listiers, Adolphe quitte Banyuls-sur-Mer en catimini, pour reprendre sa vie et ses activités parisiennes auprès de son épouse. Alors qu'il a déjà rejoint la capitale, il s'explique dans son journal Le Catalan Républicain en date du 04 septembre 1910 : "À l’heure où ce Catalan sera distribué, je serai en route pour Paris. Je vais reprendre mes travaux littéraires, et travailler aussi à un grand ouvrage politique auquel je pense depuis longtemps et pour lequel ce que j’ai appris depuis dix mois me servira beaucoup. (...) Avant de repartir pour Paris, j’aurais voulu faire une promenade à travers les communes et serrer les mains mes amis. Je ne l’ai pas pu. Des travaux urgents, une correspondance accumulée, les occupations municipales : tout cela a pris mon temps plus que je ne l’aurais voulu. (...)" Néanmoins, il assure à ses concitoyens qu'il remplira bien sa charge de maire depuis Paris ... en restant en contact avec ses co-listiers par courrier et en revenant dans la commune 1 fois par trimestre. On imagine aisément la tête de ses concitoyens en apprenant la nouvelle par le journal ; autant celles de ceux qui l'avaient soutenus que celles des autres !

Pris par ses occupations parisiennes, il ne revient à Banyuls que le 21 avril 1911, soit 6 mois après son départ précipité et il ne reste qu'une semaine. Puis, sous la pression des Banyulencs, il est obligé de revenir le 11 juillet 1911, afin de présider aux célébration de la Fête nationale ; il repart le 11 août. Ce sont ses 2 seules venues dans le village dont il est pourtant le maire ! Ce système de maire épistolaire et épisodique ne fonctionne que grâce à l'implication de ses 2 ajoints REIG Pierre et QUINTA Joseph. Dans tous les documents concernant les affaires municipales, le nom du maire n’apparaît jamais : soit il est absent, soit ses fonctions sont assurées par ses adjoints. Logiquement, Adolphe démissionne de son mandat de maire, quelques jours avant les élections de 1912, au motif qu'il subit une campagne régionale incessante de dénigrements, que les divisions locales ne lui permettent plus d'assumer sereinement sa charge et que le nouveau parti républicain-socialiste est dans un tel désarroi qu'il ne saurait se passer de ses compétences à Paris. Personne n'est dupe de ces prétextes. Tout le monde a compris qu'Adolphe préfère obtenir un siège au Conseil de Paris, que de se rassoir dans le fauteuil du maire à Banyuls-sur-Mer.

Conclusion : De l'échec aux municipales parisiennes à l'échec aux législatives des Pyrénées-Orientales de 1912 à 1919

Revenu à Paris au début du mois de septembre 1910, Adolphe explique son échec électoral dans son département en se présentant comme la victime des manigances faites à son encontre par des politiciens de village et par plusieurs quotidiens régionaux. Mais, il ne renonce pas pour autant à une carrière politique. Pendant qu'il se rend au palais Bourbon pour se faire connaître des députés, il publie un nouvel essai politique qu'il intitule Le Devoir parlementaire, la retranscription du 1er discours qu'il a prononcé à Banyuls-sur-Mer le 06 novembre 1909. L'Office Républicain, l'association qu'il avait fondé en 1908 comme un espace de réflexion sur les problèmes sociaux, devient la Société d'études et de propagande et d'Actions politiques dont le rôle est désormais d'organiser des conférences et de publier des livres et des brochures de propagande politique.

Invité du groupe parlementaire formé par les républicains-socialiste le 22 décembre 1910, Adolphe prononce un discours dans lequel il définit sa vision du socialisme : améliorer le sort des travailleurs les plus pauvres grâce au progrés économique et social, tout en restant fermement attachés à la liberte, à l'égalité et à l'enseignement laïque. Le discours est apprécié et le 27 janvier 1911, il est invité à faire un compte-rendu sur l'orientation politique, économique, sociale et administrative à donner au parti républicain-socialiste qui sera créé quelques mois plus tard en juillet 1911. Bien qu'il grenouille activement auprès des élus républicains-socialistes, il n'est pas vraiment inclus dans le parti. Comme dans le parti radical 5 ans auparavant, même s'il connaît un beau succès d'estime, il reste confiné à la marge.

Afin de gagner ses galons et son ticket d'entrée dans le cercle du nouveau parti républicains-socialiste, en mai 1912 Adolphe se présente pour devenir Conseiller municipal du 41ème quartier administratif de Paris, celui de la Folie-Méricourt situé dans le 11 arrondissement. Dans ce quartier largement à gauche, sous l'étiquette socialiste indépendant, il fait face à 3 candidats : MINIOT Arthur conseiller sortant et candidat des républicains-démocratiques, BERNIOLLE candidat sous l'étiquette radical-socialiste et ROLDES Maxence candidat des socialistes unifiés. Le soir du 05 mai 1912 les résultats du 1er tour sont sans appel, Adolphe se classe 4ème en n'ayant obtenu que 820 suffranges (12.24% des suffrages exprimés). Il se désiste alors au profit de BERNIOLLE arrivé 1er avec 2 095 voix. Ce nouvel échec marque la fin des prétentions politiques parisienne et nationale d'Adolphe à Paris.

A Banyuls-sur-Mer, les élections municipales de1912 voient la victoire de SAGOLS François. Les 1er et 2nd adjoints du nouveau maire restent REIG Pierre et QUINTA Joseph ; remerciements des électeurs pour leur implication sans faille au service d'une équipe municipale dont le capitaine avait déserté le navire 2 années durant. Mais, REIG Pierre et QUINTA Joseph démissionnent en 1913 et quitte le Conseil municipal. Puis le 26 octobre 1912, le maire SAGOLS François démissionne de sa charge de maire ; il redevient un Conseiller municipal. Certains esprits suspicieux émettent l'idée que le maire se serait désisté au profit d'Adolphe. Le 02 novembre 1913 de nouvelles élections sont organisées pour remplacer les 2 conseillers partants. Revenu à Banyuls-sur-Mer, Adolphe se présente et il est élu avec 375 voix, devançant de 20 voix le second élu, le boulanger MARY Jean. Le 09 novembre le Conseil municipal se réunit pour élire le nouveau maire. Seul en lice, SAGOLS François est réelu avec 15 voix sur 21, faisant taire les théories complotistes.

Au mois d'octobre 1913, Adolphe toujours Conseiller municipal à Banyuls-sur-Mer, annonce sa candidature sous l'étiquette radical-socialiste, aux élections législatives de l'arrondissement de Céret, qui doivent se tenir en avril-mai 1914. Ses rivaux sont : son ancien soutien ROMANI Romain le directeur du journal Le Petit Méridional, RAMEIL Pierre candidat des républicains-socialistes, VILAR Jean sous l'étiquette radicale, THOMAS Romain le candidat des socialistes unifiés et le sans étiquette CAZAU Ferdinand. Comme en 1910, la personnalité bouillonnate d'Adolphe hystérise une campagne à l'ambiance délétère. Le 24 avril 1914, à Céret, il se confronte au cours d'une réunion publique à son principal opposant ROMANI Romain. Chauffée à blanc, la salle vocifère tellement qu'aucun des 2 candidats ne peut prendre la parole et Adolphe est agressé par un partisan de son rival. Le 13 mai, suite à un discours qu'il a prononcé, il est provoqué en duel par VILLAREM Jean qui s'est senti insulté par les propos tenus. Adolphe refuse de se plier à cet exercice désuet. Le soir du 1er tour, les résultats tombent : Adolphe arrive en tête en ayant recueilli 2 169 voix (44.85% des suffrages). Néanmoins, à Banyuls-sur-Mer il ne recueille que 31 voix (16.30%), loin derrière ROMANI Romain et RAMEIL Pierre qui obtiennent tous deux 75 voix. Malgré cette réussite au premier tour, le 10 mai 1914, Adolphe arrive 2nd avec 3 421 voix (36,80% des suffrages), loin derrière RAMEIL Pierre qui reçoit 3 814 voix.

Mobilisé le 1er août 1914, le sergent infirmier Adolphe D'ESPIE rejoint le 14 août, la 16ème Section des Infirmiers Militaire basée à Perpignan. Bien qu'il soit affecté comme gestionnaire à l'hôpital complémentaire de Montpellier à partir du 25 novembre 1914 et qu'il soit démobilisé pour problème de santé le 24 février 1918, Adolphe ne se rend pas une seule fois au Conseil municipal de Banyuls-sur-Mer. Démobilisé, il repart à Paris et il rompt définitivement avec la politique qu'elle soit locale ou nationale. Il ne se représente ni à Paris, ni à Banyuls-sur-Mer, ni dans l'arrondissement de Céret, durant les élections de 1919, et il ne fréquente plus les cercles politiques parisiens, clôturant ainsi une période de 13 années. Son parcours électoral semble faire pencher la balance plus vers l'opportunisme que vers le militantisme convaincu. Sa carrière politique éphémère, paraît être une recherche effrénée de légitimité que la littérature lui refuse toujours. Peu intéressé par la chose publique, il préfère renoncer devant les difficultés qui se dressent sur sa route, afin de se recentrer sur sa carrière littéraire parisienne.

Les sources consultables en ligne

Acte de naissance de PAMS Jules : Archives Départementales des Pyrénées-Orientales (ADPO), Série 2E2409/2411, Commune de Perpignan, Registre des naissance, Années 1852-1854, Page 86, Acte n° 445 de l'année 1852.
Acte de naissance de D'ESPIE Adolphe : Archives Départementales des Pyrénées Orientales (ADPO), Série 2E289, Commune de Banyuls-sur-Mer, Registre d'état civil, Années 1878-1882, Page 9, Acte n° 23 de l'année 1878.
Acte de mariage de D'ESPIE Adolphe et de WEYRICH Marie : Archives de Paris (AdP), Série 9M228, 9ème arrondissement, Registre des mariages du 19 mai au 02 juin 1904, Page 7, Acte n° 541.

Les travaux universitaires et les articles consultables en ligne

BILLARD Yves, "Un parti républicain-socialiste a vraiment existé", In Vingtième Siecle. Revue d'histoire, n° 51, Année 1996, Pages 43-55
CHANIAL Philippe, "La République, la question sociale et l'association. Associationnisme, solidarisme et socialisme au tournant du XIXème siècle", In Les Annales de la Recherche Urbaine, Dossier thématique : Le foisonnement associatif, n° 89, Année 2001, Pages 6-14
DUPUIS Aimé, "Esquisse d'un tableau du roman politique français", In Revue française de science politique, N° 3-4, Année 1954, Pages 484-513.
MIEVRE Jacques, "Le solidarisme de Léon Bourgeois", In Cahiers de la Méditerranée, N° 63, Année 2001, Pages 141-155.
PUREN Marie, Jean de la Hire : biographie intellectuelle et politique (1878-1956), Thèse soutenue sous la direction de Mme Élisabeth Parinet, Domaine Sciences de l'homme et société / Histoire, Ecole des Chartes, Paris, 2016, 1022 pages.
SANSON Rosemonde, "Centre et gauche (1901-1914) : l'Alliance républicaine démocratique et le Parti radical-socialiste", In Revue d'Histoire Moderne & Contemporaine, n° 39-3, Année 1992, Pages 493-512

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