Les Banyulencs pris dans la stratégie de l'offensive à outrance de 1914 à 1918
Comme l'explique Bernard Schnetzler dans son livre intitulé Les erreurs stratégiques pendant la Première guerre mondiale, paru en 2011 aux éditions Economica dans la collection Campagnes & stratégies / Grandes batailles : "l'aboutissement de certaines stratégies militaires françaises particulières de 1914 résultent de l’humiliation de 1871."
En 1871 après la défaite contre la Prusse et les guerres coloniales que la France mène entre 1871 et 1914, la guerre repose désormais sur l'infanterie. Après l'étude de la guerre entre la Russie et le Japon en 1905, les stratèges français développent le concept d’offensive à outrance enseigné dans les écoles militaires comme les Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. L’idée même de guerre est liée aux valeurs de bravoure et de courage, basée sur la notion de la percée glorieuse. Selon le Rivesaltais Joseph Joffre chef d'Etat-major de 1911 à 1914 et commandant des armées de 1914 à 1916, il faut une rage de vaincre combinée à une avance rapide de l’infanterie soutenue a minima par l’artillerie. Ainsi le Règlement de manœuvre d’infanterie, prône le combat au corps à corps. Le combattant doit coûte que coûte avancer sans considérer l’intensité du feu ennemi. L’arrêt ou le recul du soldat, sans que l'ordre ne lui en soit donné, constitue une faute grave et un déshonneur prouvant sa lâcheté. Le général Lucien Cardot affirme : « Il faut des massacres et l’on ne va sur le champ de bataille que pour se faire massacrer ».
Au début de la Grande guerre l'Etat-major français mène une stratégie d'offensive à outrance, selon une approche appuyée par des feux contrôlés jusqu'à 400 mètres ou moins de l'ennemi, suivie par une attaque à la baïonnette classique, contre laquelle l'adversaire ne pourrait réagir que par des feux ajustés. L'artillerie de campagne conserve donc son rôle majeur. Logiquement l'artillerie lourde est négligée au bénéfice de 62 régiments d’artillerie de campagne, tous pourvus de canons de 75 (modèle 1897), beaucoup moins utile dans une guerre de position où l'artillerie lourde est essentielle pour atteindre les troupes retranchées. Les stratèges français ne font réellement confiance qu'à l'infanterie d'active sensée avoir plus de cran et de cohésion pour gagner la guerre d'offensive. Certains gradés proclament même "avec 700 000 baïonnettes nous ferons le tour de l'Europe". Ce choix stratégique se retrouve chez les 109 Banyulencs "morts pour la France", puisque seuls 2 Banyulencs trouvent la mort dans un des régiments d'artillerie :
- BASSERES René (1895-1918) Maréchal des Logis au 56ème Régiment d'Artillerie de Campagne (R.A.C.), décédé à "l'hôpital thermal des Armées" à Amélie-les-Bains (66 : département des Pyrénées-Orientales) "suite à son amputation de la jambe, causée par un éclat d'obus" ;
- MURAT Louis (1872-1915) Maître pointeur au 2ème Régiment d'Artillerie Lourde (R.A.L.), décédé le 15 avril 1915 à Hannoncelles (59 : département du Pas-de-Calais) durant Les batailles en Artois.
Ainsi, de 1914 à 1918, alors que la population totale du village de Banyuls-sur-Mer est de 3 352 habitants, 738 hommes âgés de 17 à 48 ans sont mobilisés. C'est donc 22% de la population du village qui part faire la guerre entre 1914 et 1918. Sur les 738 Banyulencs mobilisés, 629 ont regagné leur foyer après le 11 novembre 1918, alors que 109 sont décédés sous les drapeaux. Donc, le taux de décès dans la commune de Banyuls-sur-Mer est de 3%. Il est légèrement inférieur au taux national (3.50%) ainsi qu'au taux départemental (3.40%). La fréquence des décès est variable d'une année sur l'autre :
- Les 4 derniers mois de 1914 voient 19 Banyulencs décéder sur les champs de bataille ;
- L'année 1915, est hémorragique puisque 36 Banyulencs perdent la vie ;
- L'année 1916 connaît une accalmie relative avec la perte de 16 Banyulencs ;
- L'année 1917 marque une reprise avec la dispartion de 20 Banyulencs ;
- Durant les 11 premiers mois de l'anné 1918, ce sont 13 Banyulencs qui meurent avant la signature de l'Armistice.
Pour comprendre la construction de la stratégie française de 1871 à 1914, suivez le lien ci-dessous pour accéder à la chaîne YouTube "Sur le champ" et visionner la vidéo intitulée Observer, théorise, évoluer : de 1870 à 1914