Les batailles du col de Banyuls, 15-16 décembre 1793
En ce 16 décembre 2021, souvenons-nous des événements qui ont fortement ébranlés le village de Banyuls-sur-Mer et sa communauté il y a 228 ans jour pour jour.
En sa qualité de "gardienne de la mémoire des hommes et des femmes qui ont combattu pour défendre les idéaux de liberté", nous tenons à rendre hommage aux Banyulencques et aux Banyulencs qui se sont rangés aux côtés des armées révolutionnaires, pour combattre l'invasion espagnole. Parce que notre voix est bien seule à se souvenir de cet événement le jour de son anniversaire, nous espérons qu'elle portera loin.
Fidèle à notre méthode de travail, nous allons nous éloigner des chimériques légendes et autres inventions fantasmagoriques, afin de nous concentrer sur ce que les sources historiques nous ont livrés sur cet épisode de la guerre franco-espagnole. Ainsi, allons nous faire une chronologie du déroulement des 2 batailles qui se sont déroulées au col de Banyuls :
- 11 novembre 1789 : Est créée la commune de Banyuls-de-la Marenda, dans les limites de la paroisse de Banyuls ;
- 01 octobre 1792 : Est formée l'armée des Pyrénées ;
- 21 janvier 1793 : Louis XVI est exécuté. L'Espagne rejoint la coalition anti-française. L'Espagne signe avec la Grande-Bretagne son adhésion à la Première Coalition (1792-1797) espérant récupérer la partie de la Catalogne devenue française depuis le traité des Pyrénées signé en 1659 ;
- 07 mars 1793 : Mobilisée la première, l'armée française attaque en traversant la frontière. Placé à la tête de l'armée destinée à reprendre les territoires catalans perdus par l'Espagne plus d'un siècle auparavant, le général Antonio Ricardos Carrillo de Albornoz dirige la contre-attaque ;
- Mars 1793 : Le négociant de petit cabotage François PAGES est élu 3ème maire de la commune. Il est secondé par 5 conseillers municipaux qui sont VALLS, PAGES, SAGOLS, VILAREM et ROCARIAS, ainsi que par le procureur municipal Sylvestre DOUZANS ;
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17 avril 1793 : Les 25 000 hommes de l'armée de Ricardos envahissent le Roussillon en entrant par la commune de Saint-Laurent-de-Cerdans, avant de descendre la vallée du Tech ;
- 20 avril 1793 : La ville de Céret est prise ;
- 30 avril 1793 : L'armée des Pyrénées est scindée en 2 avec l'armées des Pyrénées Occidentales basée à Pau et l'armée des Pyrénées Orientales encasernée à Perpignan ;
- 19 mai 1793 : L'armée espagnole vainc l'armée française dirigée par le général Dagobert lors de la bataille du Mas-Deu.
- 15-17 juillet 1793 : L'armée espagnole met le siège devant la ville de Perpignan qui résiste grâce à ses murailles médiévales.améliorées par Sébastien Vauban, et la défense acharnée, menée par le général Dagobert
- Septembre 1793 : L'armée espagnole parvient à prendre toutes les zones fortifiées de la région frontalière ainsi que les localités de la vallée du Tech ;
- Septembre 1793 : Les députés Fabre, Milhaud, Soubrany et Cassanyes sont nommés proconsuls par le Comité de Salut Public. Ils ont pour mission d'encadrer les actions des généraux de l'armée des Pyrénées-Orientales ;
- 17 septembre 1793 : L'armée espagnole est repoussée par l'armée française lors de la bataille de Peyrestorte ;
- 22 septembre 1793 : L'armée espagnole prend sa revanche lors de la bataille de Trouillas, village dans lequel le général Ricardos a installé son camp ;
- 14 octobre 1793 : A la tête d'une troupe de 6 000 hommes le général Delattre et le proconsul Fabre partent de la forteresse de Collioure afin d'assiéger le port de la ville de Rosas située en Espagne. Les troupes sont scindées en 3 colonnes : la 1ère doit passer par la Massane, la 2nde par le col de Banyuls et la 3ème par le col des Bêlitres (l'actuel poste frontière). Les 3 colonnes doivent se rejoindre au pied du village espagnol d'Espolla. Ainsi au soir du 14, les Banyulencs voient arriver 4 500 soldats français qui plantent leur bivouac sur la plage du Voramar. Fabre et Delattre rencontrent les élus municipaux afin de demander leur aide et pour réquisitionner les animaux de trait ainsi que de la nourriture. Ces réquisitions payées en assignats mécontentent les paysans banyulencs ;
- 15-25 octobre 1793 : 2 troupes supplétives composées de Banyulencs sont formées. La 1ère troupe menée par le maire François PAGES est maritime. Ainsi une soixantaine de barques catalanes sont hativement et mal armées pour soutenir la 3ème colonne française devant passer par le col des Bêlitres. La 2nde troupe de 200 Banyulencs, dirigée soit par le procureur Sylvestre DOUZANS soit par le conseiller municipal André ROCARIAS est terrestre. Elle doit apporter son aide à la 2nde colonne qui doit franchir le col de Banyuls ;
- 26 octobre 1793 : L'aube pointant, les colonnes françaises assistées de leurs troupes supplétives banyulencques, partent en direction de la frontière espagnole. Cependant, les 2 colonnes ne connaissent pas la même fortune. Aussitôt la frontière passée, la troupe supplétive banyulencque maritime est éparpillée par une goelette brittanique armée. C'est sous les bombardements et au pas de charge que la 3ème colonne traverse les villages de Port-Bou et de Culéra pour bifurquer dans les montagnes, vers le village d'Espolla. En revanche, bien installée sur le puig de la Calm, la troupe supplétive banyulencque terrestre tire sur les soldats espagnols postés sur la frontière, permettant à la 2nde colonne d'entrer en Espagne et de fondre sur le village d'Espolla ;
- 26 octobre-Novembre 1793 : Réunies, les 3 colonnes françaises mettent le siège de la ville d'Espolla. Cependant, la faiblesse des pièces d'artillerie françaises ne parvient pas à percer les murailles médiévales de la ville et la pugnacité des soldats français ne prend pas en défaut la défense acharnée des 1 400 soldats espagnols. Durant l'un des assauts français, le jeune le capitaine Jean Lannes (futur maréchal d'Empire) voit son bras gauche traversé par une balle espagnole. La gravité de sa blessure conduit à son rappatriement vers l'hôpital général de Perpignan ;
- Novembre-14 décembre 1793 : Les 6 000 soldats français se replient pour venir replanter leur bivouac à Banyuls sur la plage du Voramar. A nouveau, les familles banyulencque se voient dans l'obligation de nourrir l'armée française. Ils sont encore indemnisés en assignats, papier-monnaie dont la valeur ne cesse de baisser. Ces nouvelles réquisitions fait monter le mécontentement de la population. Le proconsul Fabre demande des renforts ;
- 15 décembre 1793 : Aussitôt les 5 000 hommes arrivés en renfort, les 11 000 soldats français partent en direction du col de Banyuls, toujours secondés par la troupe supplétive forte de 200 Banyulencs menée par soit le maire François PAGES, soit par le proconsul Sylvestre DOUZANS soit par le conseiller municipal André ROCARIAS. Cependant, les Français sont attendus au col de Banyuls par 12 000 soldats espagnols. Après une journée de bataille, mal positionnés, les soldats français se retirent du champ de bataille, en laissant seuls et isolés les 200 Banyulencs installées sur le puig de la Calm et qui refusent de se rendre. Le plénipotentiare espagnol rencontre le général Delattre et le proconsul Fabre afin d'établir un plan de retraite : les Français reçoivent le droit de se retirer sur la forteresse de Collioure ainsi que l'assurance que le village de Banyuls et ses habitants ne subiront aucune représailles. Dans la nuit, 93 Banyulencs parviennent à fuir le puig de la Calm encerclé par les soldats espagnols ;
- 16 décembre 1793 : Le clairon espagnol passe dans les rues du village afin d'avertir les habitants que le village est désormais passé sous le contrôle de l'armée espagnole. Les 107 Banyulencs restés sur le puig de la Calm se rendent à l'armée espagnole. Malgré la promesse faite la veille, ils sont emprisonnés et envoyés vers les prisons de Barcelone. De plus, tous les mas jouxtant la ligne frontière sont vidés manu militari de leurs habitants et de nouvelles réquisition de nourriture sont prélevées dans les caves et les celliers banyulencs ;
- 20 décembre 1793 : l'armée espagnole parvient à prendre les forteresses Saint-Elme située à Port-Vendres ainsi que celle de Collioure. Le proconsul Fabre est tué durant le combat, pendant que le général Delattre fuit à bride abattue vers Perpignan ;
- 16 janvier 1794 : L'expérimenté général Dugommier reçoit le commandement de l'armée des Pyrénées Orientales ;
- 13 mars 1794 : le général Ricardos meurt d'une pneumonie. Il est remplacé par l'inexpérimenté comte de l'Union Luis Firmin de Carvajal ;
- Avril 1794 : La guerre tourne à l'avantage de la France qui repousse petit à petit l'armée espagnole ;
- 03-24 mai 1794 : Le général Dugommier fait le siège du fort Saint-Elme et de la forteresse de collioure. La garnison espagnole capitule ;
- 25 mai 1794 : Sur la demande du proconsul Milhaud, le général Dugommier oblige les 7 000 Espagnols qui tenaient le fort Saint-Elme à déposer leurs armes dans le village de Banyuls, avant de les escorter jusqu'au col de Banyuls. Le villages est ainsi libéré de l'occupation espagnole. L'occupation espagnole a "coûté" 107 déportés dont beaucoups ne sont pas revenus à cause des dûretés des conditions de détentions, ainsi que le décès de 120 Banyulencs à cause de la dénutrition imposée par les multiples réquisitions des 2 armées ;
- 03 juin 1794 : La Convention Nationale entérine un décret déposé par leComité de Salut Public, qui décrête la construction d'un obélisque à Banyuls afin que la Nation rende hommage au sacrifice des Banyulencs ;
- 18 novembre 1794 : Le général Dugommier et comte de l'Union Luis Firmin de Carvajal sont tués durant la bataille de Sant-Llorenç-de-la-Muga
- 22 juillet 1795 : Rendu très inquiet par l'avancée de la France dont il avait sous-estimé les forces, Manuel Godoy signe de façon séparée la paix de Bâle. En échange de l'arrêt des hostilités, le gouvernement espagnol reconnaît la République Française. L'Espagne cède à la France deux tiers de l'Est de l'île d'Hispaniola (aujourd'hui Haïti) en échange de la réincorporation du Guipuscoa à la couronne espagnole. Les relations commerciales entre les deux puissances sont normalisées. Pour la signature de ce traité Manuel Godoy reçoit le titre de Príncipe de la Paz, « prince de la Paix ». Revenue au système d'alliance du pacte de famille, l'Espagne se désolidarise de la Grande-Bretagne et du Portugal ;
- Mars 1894 : Le Ministère de l'Intérieur autorise la commune de Banyuls à faire ériger l'obélisque promis par le décret de la Convention Nationale. Les élus municipaux font appel au duo Joseph-Ferréol Carbasse architecte du département et Jean-Baptiste Belloc sculpteur ;
- 12 aôut 1894 : L'obélisque est installé sur la place Paul Reig et inauguré en résence du Préfet des Pyrénées Orientales, du maire de Banyuls et du général Léger ;
- 1899 : Le peinte Henry Perrault expose au Salon des Artistes Français le tableau intitulé "La défense héroïque du col de Banyuls" et pour lequel il reçoit le 2nd prix du jury. Dans la foulée le tableau est acheté par le Conseil du Département des Pyrénées Orientales afin de l'exposer dans sa salle des délibérations ;
- 1990 : Le tableau est donné à la mairie de Banyuls. Rénové, il est exposé dans le hall de l'Hôtel de Ville.
Ainsi, en ce 16 décembre 2021, souvenons-nous du sacrifice de nos ancêtres, rendons hommage à celles et ceux qui se sont rangés aux côtés de l'armée française pour défendre la Nation et la jeune République. Mesdames, messieurs, à nous le souvenir, à vous l'immortalité !
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Les batailles du col de Banyuls, la Révolution Française dans le village de Banyuls-sur-Mer
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